Retour sur une bataille qui aura duré plus de cinq ans et qui, pour nous, vient juste de s’achever.
Tout ce dont vous avez plus ou moins entendu parler, toutes les péripéties et la morale de l’histoire :
aujourd’hui, nous allons tout vous raconter :
Nous sommes en 2001. A l’angle de la route de Toulouse et du boulevard J.J.Bosc se trouve une maison de retraite, belle bâtisse du XIXème siècle jouxtant un petit bois. L’ensemble appartient à la Congrégation des Soeurs de la Sainte Famille de Bordeaux. Celle-ci envisage de créer une nouvelle maison de retraite sur une partie seulement de sa propriété foncière et d’en céder le surplus (à l’époque, le nom de Mac Donald’s est déjà dans l’air) pour financer cette opération.
On en parle dans le quartier. C.A.U.D.E.R.E.S l’écrit et… se retrouve assignée en justice par les Soeurs pour « diffamation et information inexacte.» Mais le tribunal, lui, considérera que nous n’avons fait qu’user de notre liberté d’expression et que la requête de la Congrégation, du fait de son « caractère abusif », devait être sanctionnée. Les Soeurs, qui nous demandaient 13750 euros seront finalement condamnées à nous en verser 2500.
Convaincus qu’une restructuration de l’ancienne maison de retraite était à la fois souhaitable et possible, nous avions, dès 2001, déposé un recours au tribunal administratif pour contrer les « plans « de la Congrégation (un cube de 22 m. de haut…) et sauver l’ancienne maison. Les Soeurs cette fois n’y allèrent pas par quatre chemins et assignèrent individuellement au tribunal tous les membres du bureau de notre association, leur réclamant… 3 millions d’euros (vous avez bien lu !) ramenés ultérieurement à 300 000 euros (on respire presque…) de dommages et intérêts. Passé le premier « émoi », il nous parut vite judicieux d’aller chercher secours et réconfort auprès d’un homme de l’art : maître Bruno VITAL-MAREILLE. En août 2005, le tribunal, considérant la « pression abusive » et l’ « objectif d’intimidation » de la plainte des Soeurs, les condamna cette fois à nous verser la somme de 10 000 euros. Elles décidèrent d’abord de faire appel de ce jugement puis, suivant les conseils de leur nouvel avocat, renoncèrent finalement à toute nouvelle action en Justice et, au terme d’une négociation serrée, acceptèrent en 2007 de nous verser la somme de
7500 euros d’indemnités, augmentée du règlement des frais d’avoués et de Tribunal.
Cependant qu’elles nous poursuivaient de leur acharnement procédurier, les Soeurs n’avaient tout de même pas perdu le fil principal de leur projet et bien vendu, à la société Mac Donald’s donc, un terrain de 5000m2 incluant l’espace boisé classé de l’angle de la route de Toulouse et du boulevard J.J.Bosc…
A l’été 2003, la mairie de Bordeaux délivra un permis de construire à la société Mac Donald’s l’autorisant à édifier sur la partie non boisée du terrain un établissement doté d’un « drive ». La CUB, de son côté, donna un avis favorable pour un aménagement de voirie, préalable indispensable à la mise en place de toute l’opération. Les défenseurs de ce projet faisaient alors valoir plus ou moins clairement que Mac Donald’s allait créer pour ses clients et « par extension » pour les habitants, un jardin dans l’espace boisé classé, sans qu’il en coûte rien au contribuable et qu’en outre les autres commerçants de la barrière pourraient inviter leur clients à profiter des places du parking souterrain, partie intégrante du projet…
Pour manifester notre opposition à ce projet et sur le site même du chantier, plusieurs rassemblements furent alors organisés à notre initiative qui nous valurent de recevoir de nombreux soutiens d’élus, de représentants associatifs ou de journalistes. Après avoir formé un recours gracieux auprès de la mairie de Bordeaux (recours resté, comme de juste, sans réponse) nous avons alors décidé d’attaquer le permis de construire qu’elle avait délivré. Par jugement en date du 14 décembre 2004, le tribunal administratif, confirmant ainsi le bien-fondé de notre démarche, décida, dans l’attente d’un jugement sur le fond, la suspension des travaux. La Ville de Bordeaux et la Société Mac Donald’s firent appel de cette décision, mais leur appel fut heureusement rejeté par le Conseil d’Etat. Pendant quelques mois, chacun put alors, derrière les barrières d’un chantier déserté et en guise de Mac Donald’s, admirer ce qu’il est convenu d’appeler… un trou.
Malheureusement, le 20 juin 2005, dans son jugement sur le fond, le tribunal, dans une nouvelle formation, opéra un revirement profond et à nos yeux inexplicable : il rejeta toutes nos requêtes et nous condamna même, ainsi que les autres associations qui avaient soutenu notre démarche, à verser à la Ville de Bordeaux et à la société Mac Donald’s la somme de 250 euros…Devant l’importance des frais encourus et, il faut bien le dire, confrontés au sentiment d’une
confiance un peu émoussée en la justice administrative de notre pays, c’est avec une certaine amertume que nous avons alors décidé de renoncer à faire appel de cette décision.Quelques coups de truelles et quelques mois plus tard, Mac Do ouvrait ses portes.
Pendant toutes ces années, contrairement à ce que certains ont voulu laisser entendre, notre combat contre Mac Do ne fut pas un combat contre la malbouffe. C.A.U.D.E.R.E.S n’est pas une association inltermondialiste. Sans revenir dans les détails (nombreux et complexes) des éléments
que nous avons soulevés en justice, nous voulons rappeler ici que nous contestions et contestons
encore :
– qu’on implante un drive dans un secteur déjà saturé par la circulation automobile et qu’on
prévoit de rediriger obligatoirement les voitures sortant du drive vers les boulevards c’est-à-dire
vers la zone la plus sensible en terme de « bouchon » ;
– qu’on « privatise » 25 mètres de voie publique pour créer au milieu de la rue un « tourneà-
gauche » destiné à l’usage exclusif du Mac Donald’s, réduisant d’autant l’espace, déjà très
mesuré, réservé aux autres usagers : voitures, bus et vélos.
– que tous les éléments précédents aient été arrêtés au mépris finalement de la sécurité des
usagers.
Mais s’il faut aller au fond des choses, ce que nous n’admettons pas, surtout, c’est qu’un tel projet qui ne sert en définitive qu’un intérêt privé, ait pu une fois de plus l’emporter sur l’intérêt de tous, l’intérêt général qui aurait par exemple pu prendre la forme sur cet emplacement de qualité d’une crèche (notre quartier en est dépourvu !), d’une maison des associations (idem !) d’un « vrai » jardin public (encore idem !) ou d’un « vrai » parking de proximité (toujours idem !).
Quoiqu’il en soit, nous voulons croire que si nous ne l’avons pas emporté, ici et maintenant, sur le terrain, nous aurons concouru à faire un peu avancer la réflexion de chacun, et particulièrement celle de tous ceux – vous peut-être qui nous lisez – qui n’étaient pas a priori particulièrement favorables à notre démarche, sur les vrais enjeux d’une vraie politique pour la ville de demain et les vrais besoins de notre quartier. Si tel est le cas, alors nous avons perdu oui mais nous avons aussi, un peu, gagné.