LA NUIT, TOUS LES CHATS SONT GRIS ….

Dès la tombée de la nuit, les boulevards se vident un peu et tentent de recouvrer cette quiétude d’un lieu de circulation calme, si tant est que cela puisse se faire…


Car, dès les douze coups de minuit, les belles de nuit font leur apparition. Et quelle apparition !


L’abribus et les quelques trottoirs longeant le boulevard Roosevelt servent de vitrines bien sordides à un trafic de corps. On aura tous reconnu le problème de la prostitution qui refait surface régulièrement, et pour des périodes plus ou moins longues, sur nos trottoirs. Etre témoin  d’une exploitation, voire d’un esclavagisme humain, me gêne à plus d’un titre.


Tout d’abord, les jeunes enfants et les miens en particulier ne tarderont pas à poser la question fatidique qui appelle une réponse la plus juste et délicate possible. Ce n’est jamais simple d’expliquer à de jeunes enfants, pétris de contes de fées et de belles princesses, que des jeunes femmes sont obligées, pour vivre, de vendre leurs corps avec tous les risques que cela comporte, risques sanitaires d’abord et sécuritaires ensuite.


Ensuite, le ballet incessant des voitures s’arrêtant à fréquence régulière augmente la pollution sonore des boulevards, la nuit, alors que l’on pourrait espérer un peu de calme, dans une tranche horaire où l’on aspire au repos.


De même, cette présence féminine peut parfois mettre mal à l’aise, malgré les plaisanteries de façade, les amis que l’on raccompagne à la porte après une soirée conviviale et sympathique.


Enfin,  cette activité qui se déroule sous nos fenêtres me donne l’impression d’être la complice passive d’un trafic illégal et générateur d’une détresse humaine et sociale difficile à réparer. L’assistance des associations spécialisées dans l’accueil et le suivi sanitaire de ces populations est une maigre consolation, car les témoignages entendus sur le sujet révèlent la souffrance et la dépendance extrême qui les amènent à « travailler », non pas pour elles-mêmes, mais pour des escrocs, manipulateurs et indifférents à la dignité humaine.


Alors, que faire ? Se plaindre auprès de la Mairie ne permettra que de déplacer le problème un peu plus loin et ne résoudra en rien les problèmes de fond qui sont ceux de la misère économique.


Le « plus vieux métier du monde » n’est sans doute pas prêt de disparaître et nos trottoirs seront encore occupés, ici et là, dans les mois et années à venir.


L’autre soir, en rentrant un peu tard, je mets la clef dans la serrure et machinalement me retourne  vers la rue. Je croise son regard …Elle est très jeune.


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