LA JOURNEE DU FEU ROUGE

Un beau matin, notre vaillante cycliste, se rend à une réunion. Elle a hésité ; il fait gris, humide pas un temps à prendre son vélo pour une balade. Elle a dû se secouer « non, pas la voiture, si chacun fait ça, on n’en sortira jamais des embouteillages, du réchauffement climatique »; allez courage, c’est dur parfois de mettre en adéquation convictions et comportement, quand je pense que certains s’imaginent qu’on est écolo pour s’amuser… 

La voilà donc arrêtée au feu rouge, le trafic est dense, le cours bloqué, et n’étant pas à un carrefour mais à un feu pour piétons où il n’y a pas un chat, elle démarre… Zut ! Voilà que la Maréchaussée surgie d’un pt’it coin, l’interpelle. « Madame…vous avez brûlé le feu » « Monsieur l’Agent, je m’suis arrêtée, j’ai juste démarré un tout p’tit peu plus tôt pour ne pas me faire happer par cette meute d’automobilistes énervés. » C’est tellement dangereux ce moment où le flot des autos part en trombe. L’agent n’en démord pas. « Vous avez brûlé un feu, ce sera 90 euros » Elle proteste « D’accord, j’ai démarré plus tôt mais je n’ai mis personne en danger, ni moi-même d’ailleurs. » « Votre sécurité, Madame, c’est votre affaire, la nôtre c’est le code de la route ! – Mais enfin, pourquoi vous acharnez-vous sur moi ? » Elle s’énerve « vous ne croyez pas que vous seriez plus utile à la sortie d’un lycée à expliquer aux jeunes comment ne pas jouer l’homme invisible en vélo ? -Madame, je vous le répète, c’est la journée du feu rouge et c’est 90 euros !  »

La journée du feu rouge !  Notre cycliste a, en travers de la gorge – en plus des 90 € – toutes les fois qu’elle a dû se mettre en danger à cause des stationnements dangereux des voitures.

La journée du feu rouge ; très bien. Alors à quand la journée de la piste cyclable? celle du passage protégé ? du stationnement sur le trottoir et celle de la zone 30? Vous allez pouvoir en faire du chiffre, Messieurs !
A propos de sécurité, de déplacements doux, je me demandais si, comme moi, vous aviez remarqué qu’on voyait rarement dans notre quartier des personnes en fauteuil roulant – des chaisards comme souhaiterait qu’on le dise un de mes amis que ça agace d’être appelé « personne à mobilité réduite » . Préfèrent-elles rester chez elles ? Pas du tout. Si les piétons, les cyclistes doivent parfois s’armer de courage pour se déplacer, qu’en est-il pour ces personnes-là? C’est le parcours du combattant ou plutôt de la combattante.

En effet, ces dames que j’ai rencontrées me racontent comment  pour aller chercher leur enfant à l’école, se rendre chez le coiffeur, faire leurs courses, elles doivent élaborer de véritables stratégies de déplacement… «  à tel endroit, il n’y a pas de dépression charretière (bateau), donc je prends la rue d’après où le trottoir est accessible puis je reviens en arrière; la piste cyclable ? précieuse, ça évite d’être au milieu de la circulation… encore faut-il qu’il y en ait une ; les trottoirs ? quand ils sont assez larges ! mais encombrés de poubelles, de voitures surtout qui n’hésitent pas à s’arrêter sur le bateau juste devant moi qui suis en train de manœuvrer pour remonter de la chaussée »  «J’ en ai pour 3 minutes, Madame » , dit l’automobiliste en entrant dans un magasin me laissant condamnée à patienter puisque c’est le seul passage accessible »  «  Si je mets bout à bout toutes les 3 minutes que l’on m’a priée d’attendre ainsi , bloquée près d’une voiture savez-vous combien d’heures ça fait ? et je vous garde la meilleure pour la fin : cette femme se garant à cheval sur le trottoir au moment où j’arrive et qui me lance. « Vous n’avez qu’à rester chez vous !… »

A quand les aménagements sérieux qui aideront au respect des plus fragiles ? A quand les contrôles et les PV qui porteront vraiment sur la sécurité ?… la journée du feu rouge ?… Pfff !
Article paru dans le journal Cauderes n° 20

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